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// Add the new slick-theme.css if you want the default stylingRevue créée à Valence par quatre jeunes hommes de moins de 30 ans le 1er Janvier 1909, Les Guêpes se présentent sous forme d'une mince plaquette vendue au prix de 50 centimes. La revue sera publiée à un rythme plus ou moins régulier malgré l'annonce de la couverture qui la déclare "mensuelle". Le dernier numéro (n°34) sera celui sur le Tri-centenaire de Le Nôtre et la Renaissance du jardin français, en Août-Novembre 1912.
Le titre trouvé par Raoul Monier, un des fondateurs, est d’après la pièce d’Aristophane Les guêpes dont un extrait est même affiché sur la couverture : « Il n’est pas facile de m’adoucir, quand on ne parle pas dans mon sens ». Les auteurs annoncent franchement qu’ils n’admettent guère la contradiction et la réplique. Une guêpe est aussi dessinée sur la couverture.
Un chiffre 445 est aussi écrit en haut à gauche de la couverture. Pour qui connait l’affaire Dreyfus, les choses sont claires : la revue est anti-dreyfusarde (et aussi antisémite d'ailleurs). Les auteurs sont scandalisés par le fait que Dreyfus n’ait pas été une 3e fois renvoyé devant le Conseil de guerre.
Bref rappel : en 1894, Dreyfus est condamné pour trahison par le Conseil de Guerre. En Juin 1899, la Cour de cassation annule cette condamnation mais renvoie à nouveau Dreyfus devant le Conseil de Guerre pour un 2e procès en révision où il sera à nouveau condamné. Il est gracié peu après mais la découverte en 1904 de faux introduits dans le dossier permet un second renvoi en Cour de cassation qui accepte la demande de révision et demande un supplément d’enquête. En Juin 1909, la Cour de cassation casse la condamnation de Dreyfus et utilise l’Article 445 du Code d’instruction criminelle pour justifier le fait que Dreyfus ne sera pas renvoyé à nouveau devant une cour militaire. Il sera innocenté définitivement puis réhabilité.
Les auteurs de la revue contestent l’interprétation faite par le tribunal du texte de l’Article 445 et s’en expliquent longuement dans la page de garde à la fin de la revue. Il y a peu d’arguments juridiques mais une contestation sur le vocabulaire utilisé. Cette page restera dans tous les numéros, preuve s'il en fallait une, de leurs fortes convictions et leur militantisme.
Les guêpes est une revue militante, même si le ton en est parfois fantaisiste ou primesautier. Les auteurs se revendiquent du néoclassicisme et diffusent les idées défendues par Charles Maurras (royaliste, antidreyfusard, nationaliste, antirévolutionnaire, antisémite, antiprotestant…). Résolus d’imposer certains principes littéraires et extra-littéraires, les auteurs se définissent eux-mêmes comme des combattants en campagne !
Pour celà, ils publieront une centaine d'articles, presque autant d'épigrammes (poèmes satiriques), de la poésie ainsi que de nombreuses "contributions" plus ou moins longues d'auteurs.
La rhétorique sera la même dans tous les numéros ; les auteurs cherchent la polémique, usant de la fantaisie comme moyen de ridiculiser l'adversaire (nombre d'épigrammes sont d'ailleurs des armes agressives dans les batailles menées).
D'un point de vue strictement littéraire, les fondateurs ne cachent pas leur admiration pour Jean Moréas (1856-1910) et son Ecole romane (fondée d'ailleurs avec Maurras). Moréas, qui était pourtant l’un des fondateurs du courant symboliste qu’il a contribué à définir, s’en éloigne pour proposer une vision néo-classique de la poésie, se revendiquant du monde gréco-latin et méditerranéen. Ce mouvement était proche du Félibrige de Frédéric Mistral. Les auteurs de la revue sont tous membres ou proches de ces deux mouvements littéraires.
Point de place au symbolisme de Mallarmé, au néo-symbolisme de Jean Royère et au romantisme farouchement combattus, mais place à Jean Racine, Nicolas Boileau (à qui on consacre un numéro spécial) et aux maîtres du XVIIe siècle.
Malgré leur attachement au classicisme, Les Guêpes font toutefois parfois preuve d'ouverture d'esprit en s'intéressant à des auteurs tels que Jules Romains et les unanimistes, aux membres du Groupe de l'Abbaye, ou encore à des poètes fantaisistes. Tous ces mouvements ont toutefois des points communs avec le groupe de Jean-Marc Bernard : un certain rejet du symbolisme et du romantisme, bref de la génération précédente. Les collaborateurs seront donc assez variés même si souvent ils n'écriront que peu d'articles chacun. On notera donc la participation épisodique de Francis Carco, Tristan Derème, Paul-Jean Toulet, Edouard Ducoté, Maurice Barrès, Paul Claudel, Fagus, Willy, René Boylesve...
« Les mots sont beaux d’avoir un sens » déclare Henri Clouard, et dans une optique de « rééduquer une élite » pour atteindre peu à peu le plus grand nombre possible, le rôle du critique est de distinguer le beau du laid. Cela contribue à la réforme de l'intelligence préconisée par Maurras. Le culturel est sacralisé mais... reste toujours subordonné au politique !
Comme Gil Charbonnier l’analyse finement, « romantisme, parnasse, symbolisme sont une illustration littéraire de la liberté individuelle née du développement de la démocratie, lequel est perçu comme un mal ». Hantée par l’idée (supposée) de décadence des arts et de l’esprit français, Les guêpes défendent donc le retour à la Monarchie autoritaire tel que Maurras l’envisage, seul système permettant de restaurer les Belles Lettres en France. Le groupe défend aussi son attachament au Catholicisme même si la religion n'est clairement pas leur sujet de prédilection.
Les Guêpes luttent aussi contre « les barbares », les dreyfusards et sont farouchement anti-allemands et antisémites. Ceci ne les empêche pas de respecter certains de leurs adversaires, faisant parfois même taire leurs préjugés. A l'inverse, il leur arrive de ne pas toujours être tendres avec leurs amis. Ajoutons à ceci que des divergences d'opinions parmi les rédacteurs, ce qui peut brouiller leur discours.