Array ( [slug] => parcoursd [slugex] => valence-ville-militaire )
// Add the new slick-theme.css if you want the default stylingLa ville de Valence, avant même sa création, a entretenu des liens étroits avec l’armée et la guerre.
Elle est probablement d’abord un camp militaire, d’après les fouilles sur le plateau de Lautagne en 1992, et le théâtre d’affrontement entre Gaulois et Romains. Strabon relate « la bataille du confluent » qui opposa les Allobroges, alliés aux Arvernes, et les Romains en 121 avant J.-C. dans une plaine « au point de jonction de l'Isar [Isère], du Rhône et du mont Cemmène [le contrefort est du Massif Central] » : c’est la plaine du Valentinois. La victoire de Rome est décisive dans sa conquête de la Gaule.
Peu après les Romains fondent à cet endroit la cité de Valentia (« la vaillante » ou « la vigoureuse » en latin) entre 121 et 50 av. J.-C., car ils voient l’intérêt militaire stratégique d’y avoir une colonie pérenne. Ils la placent sur une terrasse de la rive gauche du Rhône, qui devient un rempart naturel, et la dotent du droit romain. La ville est idéalement placée sur l’axe nord/sud (Lyon/Rome), elle est traversée par la via Aggrippa reliant Lyon à Arles, et sur l’axe est/ouest (Alpes/rive droite du Rhône). On aménage dans la basse-ville un port fluvial.
Entre 15 av. J.-C. et 15 ap. J.-C., d’après des fouilles effectuées en 1869 au sud de la ville, la cité se dote de remparts qui ceignent ce qui correspond globalement à l’actuel centre-ville et ses boulevards.
Durant l’Antiquité Valence est donc un important carrefour militaire et commercial, elle apparait notamment sur la carte de Peutinger, une ancienne carte romaine où apparait les routes et villes principales de l’Empire.
Malgré ses remparts, Valence subit de nombreuses razzias au cours des IVe et Ve siècles : en 413 elle tombe aux mains des Wisigoths, puis des Burgondes.
Au Moyen-Âge les murailles antiques ne sont donc plus suffisantes pour protéger les habitants : vers le IXe siècle les fortifications sont surélevées avec des murs en galets. L’entretien des remparts coûte très cher aux Valentinois, surtout les murs aux bords du Rhône qui sont régulièrement détruits par les crues du fleuve. On trouve dans les archives municipales de nombreuses délibérations médiévales au sujet du financement des remparts : par exemple en 1363 l’évêque de Valence Louis de Villars autorise la levée d’un impôt sur le vin pendant 5 ans, dont les bénéfices serviront à entretenir les fortifications.
En 1515, est érigé un rempart extérieur qui entoure le premier rang de fortification et insère l'actuelle basse ville. Il sera détruit au XVIIIe siècle pour des raisons d’économie.
On voit cette double ligne de murailles sur le plan de la ville par Belleforest en 1575. Il y a 3 portes qui la percent : la porte St-Félix à l’est, la porte Tourdéon au nord et la porte Saunière, plus tardive que les deux autres, au sud. On voit aussi des tours de guet et des poternes défensives entre la ville basse et la ville haute. Elles servent à protéger le cœur de la ville des attaques extérieures mais aussi des insurrections internes, comme durant les Guerres de Religion. On en trouve les traces encore aujourd'hui dans les cotes valentinoises.
A la fin du XVIe siècle est achevée à l’angle nord-ouest de la ville, dans l’actuel quartier de la Préfecture, une citadelle.
Le projet de construction de cette place forte à Valence daterait des Guerres de Religion et de la demande de l’évêque Jean de Montluc au roi : il lui semblait pertinent, en plein trouble religieux dans une ville à forte proportion protestante, d’avoir un bâtiment fortifié où logeraient des soldats. Mais les consuls locaux sont réticents à ce projet, car si la construction est à la charge du pouvoir royal, c’est à la ville qu’incombe la rémunération du gouverneur et de l’état-major de la Citadelle.
Le projet aboutit malgré tout, le bâtiment est construit à l’intérieur des murailles de la ville, surélevé pour dominer la cité et le fleuve. Il est percé de 2 portes : une au nord donnant sur la campagne extérieure, et une au sud entre deux bastions donnant sur la ville. La Citadelle de Valence échappe dans les années 1620 à la destruction des places fortes par le roi, qui y voit une potentielle menace à son pouvoir, preuve donc qu’elle ne revêt pas un grand intérêt offensif ou défensif. A la fin du XVIIe siècle Vauban la trouve même dénuée de potentiel et mal entretenue.
C’est dans cette citadelle que mourût le pape Pie VI, le 29 août 1799 (12 Fructidor An VII).
Du fait de sa situation géographique et des nombreux troubles qui ont secoués l’Europe depuis la fondation de la cité, Valence est régulièrement traversée par des troupes qui montent ou descendent le Rhône. Elle est de plus une base arrière naturelle pour les opérations militaires vers la Savoie et l’Italie.
Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les gens de guerre sont logés et nourris par les Valentinois. La répartition des soldats est organisée par les officiers municipaux, qui donnent à chaque soldat un billet de logement où est indiqué le nom et l’adresse du foyer chargé d’offrir le gîte et le couvert. Cette contrainte est très lourde pour les habitants, surtout que la plupart des privilégiés sont exemptés de cette tâche… Mais la construction de casernes dans la ville à partir du XVIIIe siècle va permettre de décharger la population de cette corvée.
La situation géographique et l’histoire de Valence en fait donc une place idéale pour la construction de casernes, au XVIIIe et surtout au XIXe siècle. Ces bâtiments ont structuré la ville, on en trouve encore des traces aujourd’hui dans son urbanisme et sa toponymie.
Le logement des gens de guerre est un réel souci pour la municipalité et les habitants depuis plusieurs siècles, et est souvent avancé comme la principale cause des déboires économiques de la ville. Ne pouvant changer l’emplacement stratégique militaire de la ville, les municipalités successives décident de modifier les conditions d’hébergement des troupes en faisant construire des casernes.
Valence entame la construction d’une première caserne au début du XVIIIe siècle, pour loger les militaires de passage et ainsi décharger la population de cette tâche. Cela permet aussi, suivant l’exemple de la ville de Vienne, d’avoir des troupes à résidence.
Le projet bénéficie d’une aide financière du roi. En 1719, l’ingénieur chargé du projet décide d’implanter la caserne à côté des remparts de la Citadelle, au nord-est de la ville rue des Grandes-Oches (aujourd’hui disparue) ou rue Bouffier. La construction débute en 1727. Un premier corps est réceptionné en 1733, puis un second en 1743 et enfin le dernier en 1753. La caserne est baptisée « Saint-Félix » car elle est proche de la porte du même nom. Elle peut loger 600 à 700 soldats. Valence est alors classée « place de guerre » par ordonnance royale en 1776.
Suite à son nouveau statut, la ville doit accueillir en 1777 une école d’artillerie et doit donc créer pour l’entrainement des troupes un polygone d’artillerie, c’est-à-dire un terrain dégagé pour les manœuvres de tir. On choisit pour ce faire le quartier dit La Vachette, dans l’actuel quartier du Grand Charran. En attendant sa construction, on aménage provisoirement la promenade Beauregard, faubourg Saunière, rebaptisée alors « Champ de Mars ». Le projet n’aboutit pas car en 1778 l’école est transférée à Grenoble, pour revenir à Valence en 1783. On choisit alors le projet d’Henri Sébastien Dupuy de Bordes de placer l’école et le polygone dans les terres agricoles entre Bourg-lès-Valence et la route de Romans. C’est un espace dégagé de plus de 30 hectares. C’est ainsi qu’est né le quartier du Polygone, son passé militaire se retrouvant encore dans le nom des rues : la rue du Stand (de tir), la rue du Chemin de ronde...
En 1785 arrive à Valence pour son entrainement, avec le célèbre régiment d'artillerie de la Fère, un certain Napoléon Bonaparte. C'est un tout jeune lieutenant en second, il a 16 ans. Il suit des cours théorique au couvent des Cordeliers, fait des manoeuvres au canon au Polygone... Il loge en face de la Maison des Têtes, chez Mlle Bou, et commence à fréquenter les salons mondains et intellectuels de la bonne société valentinoise.
Mais l’école d’artillerie n’a pas fini ses allers-retours à Valence : elle quitte la ville en 1795, pour y revenir de 1802 sur une décision de l’Empereur Napoléon Ier, puis elle la quitte encore une fois en 1814 pour regagner la ville de 1816 à 1827, elle repart ensuite pour revenir en 1852 de façon temporaire, mais qui sera définitive en 1860, et pour finalement être transférée à Nîmes en 1875.
Malgré la difficulté de s’implanter, cette école d’artillerie et ses occupants ont amené de profonds changements urbains, culturels et démographiques au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Valence passe en effet de 7000 à 8000 habitants au tournant de ces deux siècles. Les exercices de tir rythment la vie des Valentinois et la présence de ces soldats donnent lieu à de nouvelles festivités (comme le 4 septembre où l’on fête sainte Barbe, patronne des artilleurs).
En 1817, le nouveau gouvernement décide de la constitution d’une armée nationale. On dresse alors dans tout le pays un état des lieux des établissements militaires accueillant des garnisons.
En 1818 voici la situation de Valence : elle comprend la caserne St-Félix (ou caserne de la Citadelle), la caserne St-Antoine (à l’angle des rue St-Jean et Madier de Montjau), le corps de garde de la place des Clercs, les écuries St-Félix pour l’artillerie, les magasins de fourrage des Cordeliers (à côté de la chapelle du même nom) et l’Arsenal dans la basse ville (dans l’ancien couvent de Notre-Dame-de-Soyons et des Dominicains, reconverti depuis quelques années en fonderie à canon). Tous ces bâtiments sont insuffisants et vétustes pour les ambitions royales.
Mais le cœur de la ville est coincé par ses anciens remparts, rendant impossible tout nouveau projet de construction. De plus, avec le trafic grandissant de la Route royale, future Nationale 7, le dynamisme économique se concentre dans les faubourgs à l’extérieur des murailles. En 1830 la ville demande donc au ministère de la Guerre de déclasser Valence comme place de guerre, afin de pouvoir détruire les remparts et s’étendre. La requête, d’abord refusée en 1836, est finalement accordée en 1842.
Le XIXe siècle est pour Valence, et pour la France en général, une période florissante de constructions de casernes.
En 1823 débute la construction d’un séminaire diocésain à côté de l’église des Cordeliers. Le bâtiment devait former un rectangle entourant une grande cour centrale, avec au sud la chapelle des Cordeliers. Seul le bâtiment principal, côté ouest, est achevé. On décide alors de la construction d’un nouveau séminaire sur l’emplacement de l’ancien couvent des Cordeliers, mais une ordonnance du roi Louis-Philippe du 23 août 1831 exige la réquisition du bâtiment pour en faire une caserne d’artillerie. La demande émanant de la ville, celle-ci s’engage à rembourser à l’évêché de Valence les frais déjà engagés. En 1831, alors que les travaux ne sont pas terminés, s’y installe le 10e régiment d’artillerie.
C’est l’actuelle cité administrative Brunet.
En 1858, les bâtiments de la vieille Citadelle sont jugés beaucoup trop vétustes pour être réhabilités. La Ville décide donc de détruire l’existant pour libérer la place, soit à la construction d’une nouvelle caserne, soit à l’agrandissement de la caserne St-Félix attenante. La municipalité souhaite la création d’un grand casernement, pour en finir avec les petites garnisons éparpillées dans toute la ville. En 1860, le conseil municipal vote le tiers des dépenses pour la construction d’une nouvelle caserne d’artillerie. En 1862, c’est le projet du général Jules Tripier qui est retenu : un bâtiment principal sur 4 niveaux pour le logement des troupes et deux écuries séparées. En 1878, après de lourds efforts financiers de la part des Valentinois, la nouvelle caserne est achevée. Mais la fameuse école d’artillerie, moteur de la construction de cette caserne, a été définitivement transférée à Nîmes 3 ans plus tôt…
On donne alors à ce quartier le nom de « quartier de l’artillerie », car s’y trouvent aussi les casernes du Petit Séminaire et St-Félix.
La caserne de la Citadelle a totalement disparu suite au bombardement du 15 août 1944.
Suite à la perte de l’école d’artillerie en 1875, vécue comme une injustice au regard des investissements financiers de la Ville, une délégation va plaider la cause de Valence auprès du ministre de la Guerre. En compensation, celui-ci fait installer malgré tout le régiment d’artillerie prévu avec l’école, et une Cartoucherie nationale… qui sera en réalité sur la commune de Bourg-lès-Valence. Après de longues négociations et un nouvel effort financier de Valence, qui se voit mise en concurrence avec Vienne, c’est finalement un régiment de cavalerie (et non d’artillerie) du 14e corps d’armée qui s’installera à Valence en 1876. Il faut donc construire une nouvelle caserne. Le conseil municipal vote le versement de 400 000 francs à l’Etat, qui se charge des travaux.
Les travaux démarrent en 1877, en bordure de la route de Romans et face au polygone dans le quartier St-Jacques. La caserne est achevée en 1879. Elle reprend le plan des casernes de cavalerie de la Troisième République : une implantation en « U » autour d’une cour avec au fond le logement des troupes et de chaque côté les écuries. Dans l’alignement de la cour se trouvent les manèges, actuellement la Faculté de Lettres, langues, Economie et Droit de l’Université.
Les bâtiments existent encore aujourd’hui et sont occupés par différentes structures : la médiathèque, France Bleu Drôme-Ardèche, la bibliothèque universitaire, les archives communales, des cafés et brasseries…
Suite à la réquisition du bâtiment pour y installer la caserne Brunet, l’évêché de Valence se retrouve donc sans séminaire. L’évêque de Valence, Monseigneur de La Tourette, lance un nouveau projet de construction en 1835 sur la colline du Charran selon les plans de l’architecte Alexandre François Epailly.
Il est fréquenté de 1838 à 1906, et suite à la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, il devient une école de garçon. Celle-ci ferme en 1907, puis le bâtiment est cédé au Ministère de la Guerre en 1911 qui y installe le nouveau régiment d’artillerie créé dans le 14e corps d’armée. En 1939 cette nouvelle caserne prend le nom de caserne Baquet, en hommage au commandant du régiment d’artillerie de la caserne Brunet en 1908.
C’est la dernière caserne valentinoise à être aujourd’hui occupée par des militaires, elle abrite en effet depuis 1984 le 1er régiment de Spahis.
Avec l’installation du régiment de cavalerie dans la caserne Latour-Maubourg, Valence acquiert le titre de « ville de garnison ». En effet dans les années 1870 la ville comprend environ 3000 militaires, contre environ 1000 au début du XIXe siècle, soit près d’un Valentinois sur dix. Une telle hausse démographique explique pourquoi la Ville a tant insisté pour accueillir des troupes : cette nouvelle population implique un essor du commerce, du négoce et de la circulation, mais aussi une population vigoureuse et une main d’œuvre gratuite… et souvent célibataire ! De plus les achats de vivres pour les militaires et les chevaux font vivre le commerce local. Les militaires participent à la vie sociale et culturelle de Valence : fréquentation de salons et clubs pour les officiers, des cafés pour les simples soldats. Leur présence favorise en 1871 la construction d’un gymnase civil par Edouard Jung : c’est un des premiers en France.
A la fin du XIXe siècle, Valence est donc reconnue comme une ville militaire importante en France. Elle accueille de 1880 à 1882 le régiment d’artillerie du général Boulanger, stationné à la caserne Chareton. C’est lui qui, en 1886 une fois ministre de la Guerre, attribuera aux casernes valentinoises les noms d’officiers militaires drômois : la caserne St-Félix devient la caserne Championnet, la caserne de la Citadelle devient la caserne Chareton, la caserne du Petit Séminaire devient la caserne Brunet, et la caserne St-Jacques devient la caserne Latour-Maubourg.