Array ( [slug] => parcoursd [slugex] => a-l-affiche--deux-siecles-de-vie-politique-et-culturelle-dromoise )
// Add the new slick-theme.css if you want the default stylingToutes les affiches de la médiathèque sont numérisées et consultables en ligne sur le portail patrimonial des médiathèques Valence Romans Agglo, L’Empreinte.
D’autre part, un travail d’analyse réalisé par Pierre-Jean Vey au cours d'un stage de DUT permet au public intéressé d’avoir accès à une étude approfondie de la vie politique et électorale drômoise de 1945 à 1949. Ce travail ainsi que l’ensemble des références mentionnées dans la bibliographie ci-dessous sont consultables en salle Archives & Patrimoine – site de Valence.
A l'occasion d'un chantier de numérisation des affiches de la médiathèque de Valence, il nous a paru intéressant d’attirer l’attention de nos lecteurs sur la richesse de cette collection qui reste encore trop méconnue. Témoignage d’évènements politiques majeurs et document historique à part entière, l’affiche offre un gisement d’informations pour l’historien … et pour les curieux ! En effet, si l’affichage et la proclamation publique ont été pendant longtemps le principal moyen de communiquer les informations importantes, notamment à travers des lois, des ordonnances, des arrêts ou encore des avis, les affiches constituent des sources de premier ordre pour l’histoire locale, témoignant du cadre de vie et des préoccupations de la population.
à gauche : Comité Départemental de Libération, Drômois !... La République est proclamée, s.l. : s.n., [1944] (BMV, 1AFF046)
à droite : Commémoration du rattachement du Dauphiné à la France. 1349 - 1949, Nyons : J. Boisseau, [1949] (BMV, 2AFF081)
Héritier de ce long intérêt des institutions pour la vie politique et culturelle locale, le fonds patrimonial de la médiathèque de Valence conserve une collection de 750 documents qui s’étend de 1816 à 2015 et couvre tout le territoire drômois. Par souci de commodité, nous regroupons sous la dénomination « affiches » des documents très divers : affiches électorales, tracts, circulaires et bulletins de vote, « unes » de presse. Pour autant, il existe une cohérence intellectuelle entre les documents : par exemple, les unes de presse portent sur les résultats des élections locales dont la campagne est retracée par des bulletins de vote ou des tracts électoraux. Bon nombre de ces documents était ainsi placardé dans les villes et villages de la Drôme pour l’information des habitants.
Les affiches électorales du XIXe et du début du XXe siècle portent essentiellement sur des élections municipales de villes ou villages de la Drôme. Si quelques affiches ont été amassées à partir de la fin XIXe siècle, la grande partie de la collection a été constituée par Maurice Caillet, premier conservateur professionnel de la bibliothèque de 1937 à 1949. Après avoir collecté de manière exhaustive des documents électoraux de 1945 à 1949, il établit un système de classement par élection en intégrant les documents de chaque parti politique en présence. Cette période a incontestablement été la plus riche, représentant à elle seule 230 documents, soit près d’un tiers de la collection ! L’inscription « Caillet » faite au crayon au dos de certaines affiches nous permet d’en identifier la provenance. Pour les autres, l’origine n’est pas toujours établie avec certitude : outre le conservateur, elles peuvent provenir du commanditaire ou d'un donateur anonyme.
à gauche : Élections municipales complémentaires du 30 novembre 1924 : Aux électeurs de Vinsobre, Nyons : L. Couriau, [1924] (BMV, 1AFF186)
à droite : Aux électeurs du canton de Remuzat : Chers Concitoyens [élection des Conseillers d'Arrondissement], Nyons : Bonnandel, [s. d.], (BMV, 2AFF046)
La collection compte près de 130 documents imprimés ou publiés durant l’un des deux conflits mondiaux. Une part non négligeable de ce corpus concerne le financement de la guerre, en particulier les emprunts publics (41 documents), qui constitue une préoccupation de premier ordre pour les autorités.
A l’annonce du premier conflit mondial, les Drômois partent à la guerre. Au 1er juin 1917, on dénombre près de 50 000 mobilisés pour le département. A l’arrière, les civils travaillent sans relâche à la campagne et dans les usines pour les industries de la guerre. La cartoucherie de Bourg-lès-Valence voit ses effectifs gonfler jusqu’à 4000 personnes, mais aussi les ouvriers en textile de Dieulefit, les métallurgistes de Saint-Vallier-Saint-Uze, la chaussure à Romans… tous travaillent pour approvisionner le front.
Mais des mouvements revendicatifs éclatent : à Valence, on manifeste contre le rationnement du charbon en 1916 ; en 1917, la cartoucherie à Bourg-lès-Valence connaît une grande grève, avant que n’éclatent d’importants mouvements ouvriers de la chaussure à Romans, mouvement élargi aux tanneurs en 1918. Les emprunts nécessaires à la poursuite de la guerre n’éveillent pas toujours l’enthousiasme patriotique : « Dans certaines campagnes, les populations se montrent réfractaires à se dessaisir de leur or en raison de cette fausse croyance que verser son or serait contribuer à la prolongation de la guerre » note le sous-préfet de Montélimar en septembre 1916.
La question du financement se pose également au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand vient le temps de la reconstruction. Il faut souligner l’importance des destructions pendant ce conflit : la Drôme fait partie du groupe des 64 départements sinistrés. La question de la reconstruction pèse donc lourdement sur le débat public. Une circulaire datant de 1946 insiste sur le rôle de Maurice Michel (tête de liste du PCF) auprès du Ministère de la Reconstruction dans le déblocage de crédits pour la Drôme.
à gauche : R.P.F. : Pour la reconstruction. Faites triompher le Rassemblement du Peuple Français, s.l. : s. n., [1947] (BMV, EPH113)
à droite : Pierre Mario, Souscrivez aux emprunts de reconstruction. Ardèche, Drôme, Paris : Agence Tahon Anne-Marie, [1948] (BMV, 1AFF201
Si les affiches politiques « officielles » sont peu illustrées, les affiches datant de la Seconde Guerre mondiale sont généralement des lithographies, c’est-à-dire des estampes imprimées sur pierre ou sur zinc qui présentent un intérêt artistique important. Parmi elles, on peut noter les affiches réalisées par Robert Petit, plus connu sous le pseudonyme Lorraine. Originaire de Nancy, cet artiste peintre arrive en Ardèche dans les années 1940, d'abord à Saint-Cirgues-en-Montagne puis à Saint-Privat avant de s’y installer définitivement, attiré par la lumière et les paysages ardéchois.
Une première exposition de ses dessins à la plume est présentée à Vals-les-Bains en août 1942. Après la mise en place du Service du Travail Obligatoire (STO), il entre en clandestinité et se réfugie à Aubenas. Lorsque le danger se précise, il rejoint le plateau ardéchois et ses fermes-refuges, comme celle de la Grande Borie, près de la Chartreuse de Bonnefoy et prend comme nom de résistant « Lorraine » en référence à sa région natale.
Pendant cette période, il réalise plusieurs affiches pour la Résistance qui sont placardées dans Aubenas afin d’appeler la population à résister. Vers le milieu de l'année 1944, il devient le dessinateur attitré du journal des Francs-Tireurs et Partisans, L’Assaut, journal édité par l'imprimerie typographique Mazel située à Largentière. L’imprimerie Mazel ne disposant pas d’équipement en photogravure, Lorraine réalise ses clichés d’illustration en gravant des plaques de linoléum. Il créé alors une série d'affiches appelant au combat patriotique.
ci-contre : Lorraine, Non. Pas de compromis... avec personne !, s.l. : s.n., [1944] (BMV, 1AFF086)
Ses affiches sont souvent accompagnées d'une légende, véhiculant ainsi les valeurs pour lesquelles il combat par le biais de son son art : justice, liberté, dignité de l'homme, bonheur, espoir d'un monde nouveau. Après la guerre, Lorraine continue de fréquenter des milieux intellectuels et artistiques et de peindre sous le nom de « Robert Petit Lorraine ». Malgré de nombreux voyages, il restera fidèle à l’Ardèche toute sa vie où il meurt en 2006.
A gauche : Lorraine, N'as-tu pas honte ? Toi qui n'a encore rien fait pour la Liberté blessée !, s.l. : s. n., [1944], (BMV, 1AFF084)
A droite : Lorraine, Toi qui es libre... aide-nous à libérer nos frères!, s.l. : s. n. , [1944], (BMV, 1AFF085)
Les documents politiques et électoraux imprimés entre 1945 et 1949 constituent l’ensemble le plus cohérant de cette collection. Ce corpus révèle que la vie politique drômoise fut particulièrement mouvementée durant cette période, plaçant la Drôme sous les feux de l'actualité politique française, notamment lors des élections partielles de 1947 et de la fusillade de la gare de Valence.
Dans un département qui reste encore sinistré, la population connaît des problèmes de ravitaillement importants, ce qui entraîne un mécontentement général. Les Drômois acceptent difficilement la baisse de leur niveau de vie par rapport à la période de l’Occupation. D’autre part, de vives tensions existent entre les différents partis politiques, notamment entre les communistes et les socialistes qui ont cessé toute alliance. Suite à la création du Kominform en septembre 1947 (organisation centralisée du mouvement communiste international), les communistes durcissent leur discours et s'isolent à gauche du spectre politique. Mais le PCF reste une force politique majeure en Drôme, relayé au niveau syndical par la CGT, premier syndicat drômois qui comptait alors 27000 adhérents. Ce contexte de crispation favorise l’éclatement de mouvements sociaux.
Ci-contre : La C.G.T. à tous les Français : Pourquoi les mineurs se battent-ils ?, Valence : Passas et Deloche, [s. d.], (BMV, 3AFF044)
Dans la Drôme, les cheminots se mettent en grève le 25 novembre, suivant le mot d’ordre lancé par leur fédération après un référendum, et bloquent le trafic ferroviaire sur l’axe Lyon-Marseille dont l’importance est capitale pour la circulation des matériaux dans un pays en pleine reconstruction. Ils sont bientôt rejoints par les métallurgistes et les travailleurs du bois. La gare devient le centre de la grève. Le conflit s’envenime, le socialiste Jules Moch, alors ministre de l’Intérieur et ancien député drômois, demande à la police de faire évacuer les occupations illégales. Le 4 décembre au matin, la police occupe la gare où commencent les échauffourées. Commandée par le préfet de la Drôme Dupérier, la police est vite débordée et tire sur la foule. Deux hommes sont tués et un troisième meurt de ses blessures le lendemain, tous trois syndiqués à la CGT.
Ce tragique évènement marque la fin de la grève dans la Drôme. Les salariés reprennent le travail le 9 décembre, au lendemain des obsèques des victimes de la fusillade. Le secours populaire et la CGT dénoncent rapidement ces crimes et appellent au soutien des familles des victimes. Les associations communistes demandent à l'unisson que les responsables de la fusillade soient punis et que leurs revendications soient entendues.
Ci-contre : Secours Populaire Français - Fédération de la Drôme : Assassinés ! Ce crime ne restera pas impuni ! s.l. : s. n., [1947] (BMV, 3AFF046)
Les titres des affiches sont explicites et témoignent de la tension et la colère des manifestants. La première commémoration de la fusillade, le 4 décembre 1948, sera l’occasion d’inaugurer une plaque du souvenir à la bourse du travail, qui sera finalement enlevée sur ordre du Préfet.
Ci-dessous :
Il y a un an : 4 décembre 1947 - 4 décembre 1948. 1re Commémoration des Fusillés de Valence, Valence : Passas et Deloche, [1948], (BMV, 2AFF087)
De Gaulle a fait tuer…, Valence : Passas et Deloche, [s. d.], (BMV, 3AFF048)
Le procès public des fusilleurs de Valence, s.l. : s. n., [1948], (BMV, 3AFF045)
Les fusilleurs de Valence ont avoué !, s.l. : s. n., s.d., (BMV, 3AFF047)
Il faut en finir en assistant à la Grande Réunion publique [avec Yves Dellac], Valence : Passas et Deloche, [1948] (BMV, 2AFF086)
MARTINOT, Alain, Robert Petit-Lorraine, Musée de la Résistance en ligne [en ligne]. [consulté en décembre 2024], https://museedelaresistanceenligne.org/media2811-Robert-Petit-Lorraine
SAUGER, Alain, La Drôme : les drômois et leur département, 1790-1990, Pont-Saint-Esprit : La Mirandole, 1995, (D22606)
VEY, Pierre-Jean, Identification, conservation et mise en valeur, pour l'intégration dans le fonds local, d'un fonds d'affiches datant de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle de la Médiathèque Publique et Universitaire de Valence : Focalisation et analyse de contenu de la partie homogène du fonds : Vie politique et électorale drômoise de 1945 à 1949, Grenoble : Université Pierre Mendès-France, 2006 (D27277(1))
VEY, Pierre-Jean, Affiches officielles, politiques, culturelles de Valence et de la Drôme de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle : inventaire raisonné, Valence : Médiathèque publique et universitaire, 2006 (D27277(2))